L'Afrique ..en.. poésie

 

CAMÉLÉON 

Caméléon, prête-moi ta robe vert
Pour cueillir l'herbe des prairies.
Prête-moi ta robe grise
Pour pêcher au fond de l'eau,
Prête-moi ta robe bleue
Pour prendre un pan du ciel.
Prête-moi ta robe rouge
Couleur de feu,
Donne-moi ta robe jaune
Couleur de moisson,
C'est elle la plus jolie.

FATOU NDIAYE SOW
(Sénégal)

FLÛTISTE

Ta flûte tu l’as taillée
dans un tibia de taureau puissant
Et tu l’as polie sur les collines arides
Flagellées de soleil
Sa flûte il l’a taillée
Dans un roseau tremblotant de brise
Et il l’a perforée au bord d’une eau courante
Ivre de songes lunaires
Vous en jouez ensemble au fond du soir
Comme pour retenir la pirogue sphérique
Qui chavire au rives du ciel
Comme pour la délivrer
De son sort.

Jean-Joseph rabéarivélo
(Madagascar)

 

La morsure du couteau

O jeunes garçons, soyez braves !
Ne vous conduisez point en étalons ombrageux.
Bientôt votre chair connaîtra
La morsure du couteau tranchant.
Le fer fera couler votre sang vermeil,
Mais qu'il ne fasse pas jaillir vos larmes !

Quand le forgeron coupera, plaisentez avec lui !
Frappez légèrement sa tempe
Pour le punir d'avoir osé toucher
A un membre qu'il aurait dû respecter
Comme celui de son propre père.
Et pour montrer que vous n'avez pas peur,
Dites-lui de recommencer !

Prouvez demain que vous êtes virils,
Et la communauté reconnaîtra votre majorité !

Peuple Peul
(Mali)

Grand oiseau

Toi, au ventre plein de cailloux
Bête aux grands ergots
Qui mange le coeur du Kénon
Qui avec tes plumes fait tsam-tsam
Donne-moi l'une des plumes de ta queue

Toi, qui lève la tête
Grand oiseau au flanc poussiéreux
Au large bec
Au ventre qui fait gou-gou
Donne-moi l'un des os de ta patte

Toi, qui t'envoles et t'enfuis
Oiseau mâle dont la patte a deux os
Deux os dont la moelle est si bonne
Deux os qui font kari-kari
Puissè-je te posséder ?

Peuple Damas
(Cameroun)

 

MASQUES ! O MASQUES !

 Masque noir, masque rouge
Vous, masque noir et blanc
Masque aux quatre points
Où souffle l’Esprit
Je vous salue dans le silence
Ancêtre à tête de lion
Masque au visage sans masque
Qui avez composé ce visage mien
Penché sur l’autel de papier blanc
À votre image, écoutez-moi !
Nous sommes les hommes de la danse
Dont les pieds reprennent vigueur
En frappant la sol dur. 

Léopold Sédar Senghor
(sénégal)

Cet instant

Avec mon sang
Aux mille oiseaux
J’ai marché tout au long
De la terre
J’ai ri de l’argile
J’ai renié le temps
J’ai su parler à l’étranger
Avec mon sang
Couleur de jour
J’ai dit oui à la mort
Et à son innocence
J’ai refusé la nuit. 

Andrée chédid
(Égypte)

 

LES TAM-TAMS

Les tam-tams
Qui observent
Perdent Toujours
La mesure.
Dans le vertige
Des rythmes
Il est Des sons
Que Les grands
N'entendent pas. 

Restez
Restez unis. 

Le sentier Tortueux
Traverse la forêt.
Des lianes M'enchevêtrent.
Je baisse la tête
Et Salue vos grandeurs.
Les fusils crépitent
Sur vos visages humains.
L'oiseau Qui s'envole
Laisse En Angola
Ce coeur
Qui n'a pas
De frontière 

FRÉDÉRIC PACÉRÉ TITINGA
(Burkina-faso)

 

 CONGO

Fleuve essentiel
me voici debout
entre deux âges
tu épouses toujours cette terre
ensemble avec la foudre
ton nom n'a pas vieilli
tu me connus
espiègle à la pêche
debout sur ton dos
tes allées de roseaux
escortant ma pirogue
dans le parc de tes eaux
les écoliers de Poto-Poto(1)
ont grandi à te voir
au bout de leur raison
nous aimions vivre de ton corps
tes cils s'étendaient à l'infini
au-delà de l'île-rônier
maintenant que ton nom
se confond avec la liberté
fleuve essentiel
trop tôt parti à l'Océan
tu deviens l'écriture
de notre soleil
tout reste fondé sur toi
ton annonce invente
l'espoir en nous
Tu occupera toujours
tous les temps
et tous les âges
fleuve de mon pays
et de mon enfance. 

THÉOPHILE OBENGA
(Congo)

(1) - Quartier de Brazzaville,
capitale du Congo.

 

GUERRIER TOUAREG

 Combien de fois
Par une de ces nuits froides
Durant lesquelles pour se réchauffer
Le chasseur brûle son arc et ses flèches
Ne me suis-je pas mis en course
Dans les ténèbres et dans la pluie
Ayant pour compagnons la faim
Le froid et la terreur
Moi le guerrier
J’ai rendu des femmes veuves
Et des enfants orphelins
Quand au retour la nuit était encore noire. 

Chanfara
(Maroc)

 LE NEGRILLON veut entrer DANS LA RONDE

Le négrillon n'entre pas dans la ronde
de ces enfants blancs, de ces enfants blancs,
qui dansent ensemble une vive ronde
dans les chants de fête, et les rires francs. 

Viens petit noir, viens danser dans la ronde
Dit un des enfants de son air heureux
Le négrillon entre donc dans la ronde
Et danse avec eux, et danse avec eux.

Le négrillon est entré dans la ronde
de ces enfants grands, de ces enfants grands,
qui dansent ensemble une vive ronde
dans les chants de fête, et les rires francs. 

 GÉRALDO BESSA VICTOR
(Angola)